Hecho en Cuba
Ces photos des murs de la vieille Havane capturant couleurs et les traces du passé offrent une méditation visuelle telles des toiles abstraites. Elles révèlent une palette chromatique vivante, façonnée par le passage inexorable du temps et les interventions humaines.
Les variations de couleurs sont comme des histoires figées dans la peinture écaillée, créant une symphonie visuelle où chaque nuance raconte son propre récit. Les tons vifs qui se fanent lentement, les éclats de peinture révélant les strates historiques et les nuances subtiles sont sublimés. Ces murs colorés racontent à la fois l’histoire de Cuba, mais plus généralement des événements passés et des expériences vécues.
Les traces du temps, telles que les fissures, les marques d’humidité ou les empreintes laissées par le soleil implacable, ajoutent une dimension de réalisme et d’authenticité. Ces signes visibles du passage des années sont comme des cicatrices témoignant de la résilience des structures et du peuple cubain face aux défis rencontrés.
La composition artistique de ces gros plans de murs transcende la simple représentation physique pour devenir une méditation sur la beauté de l’imperfection et la richesse de l’histoire incarnée dans chaque fragment de peinture écaillée. Ces photos nous invitent à réfléchir sur la nature éphémère de toute chose et à trouver de la beauté dans la dégradation même, transformant l’ordinaire en une œuvre d’art saisissante.
Hecho en Cuba vu par
Philippe Coll de Vives
Détente ou embargo, les marques que vous trouverez sur les murs de La Havane ont peu de chances d’être Rolex ou H&M. Ce sont les marques du temps. Le temps qu’il fait comme le temps qui passe. Parfois les deux puisqu’ici, l’histoire peut brutalement devenir cyclone.
C’est ce temps protégé, quasi hermétique que Pierre Alain Brandt explore et cristallise dans cette série de « fragments » made in cuba, Hecho en Cuba.
Des pans de béton devenus toiles abstraites… et pourtant si concrètes, concrete. Des arrêts sur images sensoriels, épidermiques cherchant à capturer l’esprit du lieu et restituer l’âme complexe, rare de Cuba.
Ainsi, le regard de l’artiste se détourne d’une lecture classique, touristique de la très photogénique Havana pour exposer un envers du décor plus sensible, photosensible. Il esquive les habituels clichés et se place en contrepoint des stéréotypes attachés à ces façades emblématiques de l’île.
Ces portraits icônes de Korda, ces murals au pochoir de la sainte trilogie barbudos dupliqués, répliqués, répétés inlassablement jusqu’à l’obsession. Hasta la victoria siempre, venceremos, creemos en los sueños… tous ces slogans martelés, matraqués comme autant de promesses devenues illusoires, l’idéal d’un autre temps.
Au bruit et à la fureur des foules, Pierre Alain Brandt oppose le silence de la beauté et des fantômes. Au mots d’ordre tagués, il préfère les non-dits des surfaces pastel, des palettes de bleus ultramarins, des pigments de blancs plâtreux, de ces ocres et de ces bruns déposés là par la fumée d’une armée de puros.
Il observe avec l’acuité et la précision du dermatologue les traces, les crevasses, les cicatrices, les tatouages sur la peau des maisons. Il décrypte les crépis, les strates du passé. Il consigne, son objectif travaillant comme un pinceau, le murmure des murs. Leur mémoire.